Retenues collinaires
Le sujet de la gestion de l'eau implique beaucoup de questionnements et cette question devient prégnante avec le changement climatique, en fonction des régions. Qui dit réchauffement dit plus d'eau dans l'air, donc moins d'eau dans les sols, dans les nappes, dans les sources et dans les cours d'eau. Pour le futur, il est à prévoir une accentuation rapide des sécheresses avec une augmentation des différences d’intensité entre périodes sèches et humides, notamment en hiver et début de printemps sur une large moitié sud et en été dans les zones de montagne. Le réchauffement climatique inquiète donc, notamment dans l'Ouest de la France, où le régime des pluies était habituellement généreux. A l'heure où plus personne ne pense sérieusement à construire en France de grands barrages (fort heureusement), d'autres techniques de rétentions artificielles se développent.
Depuis quelques mois, ainsi en Poitou -Charentes, des “méga-bassines” sont l'objet de vives tensions. En novembre, dans les Deux-Sèvres, des heurts ont éclaté entre agriculteurs et manifestants, paysans et/ou naturalistes, autour d'un projet de construction de "méga-bassines". Leurs défenseurs les jugent utiles à l'irrigation des terres; leurs détracteurs, eux, y voient une accaparation de l'eau… Lors des conclusions du “Varenne agricole de l’eau”, début février, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé une série de mesures pour faciliter la création de réservoirs ainsi qu’une enveloppe de 100 millions d’euros.
Créer une bassine consiste à creuser artificiellement dans le sol des trous, d’une taille pouvant aller de quelques hectares à plusieurs dizaines d’hectares, et à les remplir en pompant l’eau dans les nappes souterraines ou dans les rivières. Plusieurs dizaines de ces bassines, de 5 à 15 hectares, risquent d'être érigées dans les 3 prochaines années dans la région Poitou- Charentes. Parmi les lieux envisagés pour leur installation : le Marais Poitevin, deuxième plus grande zone humide de France. Ces ouvrages sont financés, soit par les agriculteurs eux-mêmes, soit par la puissance publique. Il faut d'ailleurs distinguer ces bassines des retenues collinaires, ouvrages de stockage de l'eau qui sont remplis par les eaux de surface de ruissellement.
Les retenues collinaires, ou autres infrastructures artificielles de stockage, sont présentées par certains comme une adaptation au changement climatique ou une réponse de “ bon sens” à la raréfaction de l'eau.
Si des petites retenues collinaires peuvent être acceptables, car alimentées seulement par de l'eau de pluie, les bassines ne le sont pas forcément. La question centrale est le partage de l'eau entre les usages avec un équilibre à trouver entre les besoins d'accès à l'eau potable, l'équilibre des milieux et l'équilibre économique, notamment agricole. Ces bassines sont souvent une fausse solution si la question n'est pas posée, au préalable, de la limite à nos usages. Certaines études démontrent que la création de retenues induit une plus grande dépendance de l'eau, ce qui renforce encore la vulnérabilité des agriculteurs, en cas de pénurie. Le modèle espagnol en est un exemple. L’hydrologue Emma Haziza attire l’attention sur l'un des inconvénients de ces réserves : l’eau est essentiellement prélevée dans les nappes en milieu souterrain avant d’être stockée en surface à l’air libre et traitée avec du chlore. On créé ainsi de l’évaporation. Entre 20 et 40 % de l’eau est perdue. Cela n'est d’aucune logique sur le plan hydrologique. Le premier utilisateur de l’eau reste le milieu naturel. En clair, les nappes se rechargent en hiver et cette eau n’est pas un surplus mais une assurance pour un bon fonctionnement des écosystèmes tout au long de l’année.
Ce qui est préférable est de retenir le plus possible l’eau sur nos territoires, pas en créant des barrages ou des “bassines”, mais plutôt en favorisant son infiltration dans les sols et en limitant au maximum son ruissellement et son évaporation. C’est une gestion responsable des ressources en eau, au bénéfice des agriculteurs et des autres utilisateurs. Pour cela, de nombreuses modifications doivent être apportées au niveau de la gestion de l’espace et des pratiques agricoles. Compte tenu de l’évolution de la situation, des chercheurs, comme ceux de l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) suggèrent ainsi une réforme en profondeur des pratiques agricoles. Les chercheurs de l’INRAE évoquent alors plusieurs pistes comme décaler les cycles de cultures pour éviter que les moments où les plantes ont de grands besoins en eau coïncident avec les périodes de pénurie - cas typique du maïs -, remplacer une partie des surfaces semées en maïs par des cultures d’hiver moins gourmandes en eau, comme le blé ou le colza, etc.
Il faut gérer l'eau avec méthode et la démarche collective reste essentielle.